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samedi 17 septembre 2016

A l’invitation des Amis de l’Humanité : le débat Debray Martinez en intégrale Enregistrer au format PDF

DES QUESTIONS SOULEVÉES

ET DES RÉPONSES APPORTÉES !

Le secrétaire général de la CGT a débattu vendredi 9.9.2016 avec le philosophe Régis Debray, à l’invitation des Amis de l’Humanité.

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C’est un débat inédit qu’ont organisé les Amis de l’Humanité : ils avaient invité le philosophe Régis Debray à échanger pendant plus d’une heure avec le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez. La discussion dans une salle comble a bien sûr beaucoup tourné autour du mouvement social contre la loi Travail , à la veille d’une rencontre inédite de tous les syndicats opposés à la réforme adoptée cet été à coup de 49-3.

L’un des moments forts de la discussion a concerné la montée de l’extrême-droite et, plus généralement, du racisme dans la société française.

Interrogé par Régis Debray sur l’attitude de la centrale vis-à-vis des immigrés, le leader syndical a rappelé le « combat » de son organisation au côté des travailleurs sans papiers, « fierté de la CGT », ou encore des travailleurs détachés. « Par contre, a-t-il averti, la CGT n’est pas un vaccin contre certaines idées dominantes, il faut qu’on soit vigilant. »

« On ne peut pas se contenter de dire qu’il y a moins de syndiqués CGT qui votent Front national qu’à FO, c’est se cacher derrière son petit doigt », a-t-il alerté. « Il faut qu’on ait un vrai débat sur ces questions qui ne sont pas les plus faciles à traiter, mais il faut être volontariste ; on ne peut pas laisser passer des idées d’extrême-droite dans ce pays et dans ses entreprises, laisser passer des propos à caractère raciste dans les réunions de militants. »

Et Philippe Martinez, rappelant son origine espagnole, a raconté comment, il y a 30 ans, lorsque son syndicat de Renault avait décidé de le présenter pour la première fois aux élections des délégués du personnel comme tête de liste, « un de [mes] camarades a dit : il s’appelle Martinez, vous ne croyez pas que ça va déranger un peu les catégories ingénieurs, cadres, techniciens ? » « On a laissé filer ce genre de phrases. Je pense qu’il est de notre responsabilité et là aussi de tous les militants que sur cette question on ne dise pas ‘c’est compliqué on va mettre ces questions sous le tapis’. » « Je suis attaché à l’histoire de ma famille, eux se faisaient traiter de ‘pingouins’ avant-guerre », a-t-il ajouté. Il y a « un vrai défi à relever ; s’il y a un sujet sur lequel toutes les organisations syndicales devraient se mobiliser ensemble, c’est la lutte contre le racisme et la lutte contre l’extrême-droite ».

Le mouvement social contre la loi Travail, qui fait l’objet d’un débat ce samedi entre tous les syndicats opposants à la réforme à la Fête de l’Huma a bien sûr aussi été évoqué. Est-ce parce que la page n’est pas encore tournée ? En tout cas, sur le sujet, l’heure n’était pas à l’introspection pour le secrétaire général de la CGT. « Construire un rapport de force aujourd’hui passe par la médiatisation, l’image et il y a une sorte de lutte aujourd’hui pour la visibilité qui fait qu’on est amené à produire des images de plus en plus fortes pour pouvoir être présent.

Quel rapport as-tu avec cette nécessité ? », l’a interrogé Régis Debré, évoquant notamment l’image du leader cégétiste jetant un pneu dans un brasier sur un barrage. Le syndicaliste a fait mine d’ignorer que jamais un de ses prédécesseurs ne s’était ainsi mis en scène quand il était numéro un. « Des pneus, j’en ai brulé quelques-uns, ça n’a rien de violent. Il y a des mises en scènes, des traditions », s’est-il justifié. « Qu’est-ce qui est le plus grave, un pneu qui brûle ou la détresse de centaines, de milliers de citoyens ? » a-t-il ajouté. S’il a évoqué un « besoin d’attirer l’oeil », c’est celui des chaînes d’information « qui passent en boucle des images », qu’il parlait. Régis Debray a aussi interrogé Philippe Martinez sur la non publication, le 14 juin dernier, de la quasi-totalité des quotidiens au motif qu’ils avaient refusé de publier une tribune signée de lui à la demande de son syndicat du livre, il n’a éludé le sujet. S’affirmant « attaché à la liberté de la presse », il s’est contenté d’expliquer que « dans la presse, quand il y a un conflit, les journaux ne sortent pas ».

L’absence de débouchés politiques crédibles dans les mois qui viennent n’impose-t-elle pas à la CGT la charge de représenter une forme d’opposition proprement politique, s’est interrogé Régis Debray.

Il ne faut pas confondre faire de la politique et soutenir un parti politique ou un candidat, a répondu en substance le cégétiste. « On nous reproche de faire de la politique, mais quand on conteste une loi, on fait bien de la politique [...] ; quand la CGT conteste une loi, quand elle propose de travailler moins – 32 heures -, elle fait de la politique en étant sur des choix de société ».

Mais, a ajouté Philippe Martinez, « elle ne peut pas faire que ça, le rôle d’un syndicat c’est de s’intéresser à l’ensemble des problèmes du salariat ». Et alors que certains dans la confédération la verraient bien soutenir Jean-Luc Mélenchon, il a par ailleurs « alerté les militants » : « Quand on est à la CGT, évidemment, on a le droit d’être à un parti politique et d’ailleurs je suis pour qu’aussi on s’investisse dans la politique. Mais quand la CGT est courtisée à ce point-là, ce n’est pas normal. Chacun doit prendre ses responsabilités. Le syndicat doit proposer une alternative sociale [...] mais le projet politique doit être porté par les politiques or il y a une dérive et [...] la CGT ne doit pas se faire piéger. »